Le chasseur n'est pas disponible, et cela signifie pour Don Juan "qu'il évite délibérément de se fatiguer soi-même, et les autres". Rien d'étranger ne peut le troubler ou le solliciter, puisque le guerrier, quoi qu'il fasse, a une intention inflexible. Cette indisponibilité est donc avant tout stratégique, comme tout ce que fait le guerrier-chasseur -être un cueilleur ?- Et cette indisponibilité vient de ce qu'"il ne déforme pas son monde en le pressant". Le chasseur est le contraire de l'homme ordinaire, goinfre, sentimental, égoïste et exploiteur. Il ne fait qu'effleurer son monde, et "s'en va rapidement en laissant à peine la trace de son passage". Ainsi, l'art du chasseur, "c'est de devenir inaccessible", c'est-à-dire de toucher "au monde environnant avec sobriété".
Et cette inaccessibilité n'a rien à voir avec la solitude des ermites. Si l'on ne fait que se cacher, cela ne sert à rien ; s'arracher aux autres, c'est avant tout "s'arracher à soi-même". L'ermite des religions remplit en fait une fonction sociale. Tout le monde sait qu'il est ermite, et, en premier lieu, lui-même. L'érémitisme fait donc partie de son histoire personnelle, car c'est pour lui une routine. Le guerrier ne se retranche pas "matériellement" de son monde, mais il "utilise son monde avec frugalité et tendresse". Un chasseur est intimement en rapport avec son monde et cependant il reste inaccessible à ce monde même."
"Il est des animaux sans routine", dit Don Juan, "c'est ce qui les rend magiques". Le guerrier, comme l'animal, devient magique, c'est-à-dire doué de pouvoir et d'imprévisibilité, lorsqu'il n'a plus de routines, quand il efface son histoire personnelle. Et ainsi, le guerrier, l'animal magique, ne peuvent plus être la proie de qui que ce soit : c'est pour que Castaneda s'en "persuade" que Don Juan fait de lui un chasseur, car "tous nous agissons à l'instar des proies que nous poursuivons... donc un chasseur qui sait cela n'a plus qu'un idée en tête : ne plus être une proie".
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire