"Para mi solo recorrer los caminos que tienen corazaon, cualquier camino que tenga corazon. Por ahi yo recorro, y la unica que vale es atravesar todo su largo. Y por ahi yo recorro mirando, mirando, sin aliento."

Carlos Castaneda

 Carlos Castaneda (de son vrai nom Cesar Arana) est né le 25 décembre 1925 à Cajamarca, au Pérou. Très vite il rêve de partir aux USA, et ne perd pas une occasion d'apprendre l'anglais. Il termine ses études secondaires à Lima où il vit dans le quartier du Callao et il entre ensuite à l'école nationale des Beaux-Arts où il n'obtient aucun diplôme. A 26 ans, il s'embarque sur un cargo, direction les Etats-Unis, pour ne plus jamais revenir.

Il y arrive en 1951 et commence par étudier la parapsychologie au Los Angeles City College jusqu'en 1959. Il s'intéresse alors aux effets du Peyotl. Il devient ensuite étudiant en anthropologie à l'Université de Californie, à Los Angeles. Au cours de l'été 1960, il réalise plusieurs voyages dans le Sud-Ouest (région composée du sud-ouest des Etats-Unis et du nord-ouest du Mexique) pour recueillir des informations sur les plantes médicinales utilisées par les Indiens de la région. C'est à la frontière des deux pays (de deux mondes !) alors qu'il attend un bus, qu'il rencontre Juan Matus, un indien d'origine Yaqui. Celui-ci "l'accroche" et lui dit de le retrouver chez lui, dans l'Etat du Sonora. C'est là-bas, mais aussi dans l'Etat de Oaxaca au sud du Mexique, que Castaneda sera initié à une très ancienne tradition, souvent au gré de randonnées dans les grands espaces mexicains.


Cette initiation va s'étendre sur 13 années (entre 1960 et 1973) et consister en résumé, rien de moins qu'à appréhender un autre système de cognition. Cette entreprise ne va pas se réaliser sans mal pour Castaneda, car elle implique une remise en question profonde de la nature de la réalité, telle que nous la concevons ordinairement. Sans cesse au cours de ses ouvrages (mis à part les derniers peut-être) nous le voyons lutter contre les assertions de don Juan ou ce qu'il perçoit en état de conscience non-ordinaire. Cela peut paraître redondant, voire incompréhensible pour le lecteur qui suit tout cela "de l'extérieur", mais c'est en fait mal connaître l'effet dévastateur sur la psyché humaine que de ne plus se trouver sous la protection psychique de la "réalité" telle que l'humanité la conçoit et la perçoit généralement. 

"Plus les explications de don Juan sur le monde des anciens chamans se révélaient confondantes, plus grandissait en moi le besoin d'être protégé. C'était une sensation impossible à exprimer. Il s'agissait moins du besoin de me protéger moi-même, que de protéger la vérité et la valeur indiscutable du monde dans lequel vivent les hommes ordinaires."

En appréhendant petit à petit un autre système de cognition, c'est en réalité vers la folie que CC est entraîné, en tout cas la folie par rapport à notre système de cognition ordinaire. Toute la difficulté de cette initiation consiste d'ailleurs à contrôler cette folie, à maintenir en soi un équilibre mental et physique dans cet aller-retour, ou plutôt dans cette superposition de deux systèmes de cognition différents. La voie du guerrier est ce qui permet de maintenir cet équilibre, tout en étant également et paradoxalement le facteur déterminant permettant d'effriter notre système de cognition ordinaire. Il en sera souvent question au cours des ouvrages de CC.

La première partie de son initiation s'étale entre 1960 et 1964 et C.C. en tire son premier ouvrage : "L'enseignement de don Juan, une voie Yaqui de la connaissance" (L'herbe du diable et la petite fumée en français) qu'il publie en 1968 et sur la base duquel il obtient son doctorat en anthropologie en 1973.
Il s'agit avant tout d'une initiation à certaines plantes de pouvoir (Peyolt, Datura, Psylobe mexicana...) mais il s'agit en réalité d'un piège que don Juan tend à CC, et qui par extension sera aussi un piège pour ses lecteurs, en pleine époque hippie !

"Il m'apprit alors qu'au début de mon apprentissage, il s'était servi de toute cette cuisine pseudo-chamanique indienne dans mon seule intérêt. [...] - Je t'ai tendu un piège à l'époque en attirant ton attention sur les choses de ton monde qui te fascinait le plus, et tu es tombé dedans à pieds joints. J'avais besoin de toute ton attention. Mais comment l'obtenir d'un esprit aussi indiscipliné que le tien ? Tu m'as répété tant de fois que tu restais avec moi parce que ma façon d'envisager le monde te fascinait. Ce que tu n'as pas su exprimer à l'époque, c'est que cette fascination venait de ce que tu ne comprenais pas la moitié de ce dont je te parlais. Donc, tu pensais que le chamanisme était un enseignement obscur, plein d'énigmes et cela te convenait. Voilà pourquoi tu es resté avec moi."


Après une pause de quatre années, salutaire pour son équilibre psychique, on continue de suivre cette initiation "pseudo-chamanique" en lisant son second ouvrage : Voir, dont les prises de notes sont alors datées des années 1968 et 1969. Mais c'est dans son troisième ouvrage : Le voyage à Ixtlan, que l'on aborde réellement ce à quoi CC est initié. Les prises de notes sont cette fois datées des années 1961 et 1962, c'est-à-dire du début de son apprentissage, mais dont il extrait tout ce qu'il avait laissé de côté car ne rentrant pas dans le cadre de l'initiation qu'il recevait selon lui. L'on apprend en fait qu'il s'agissait du cœur de ce qu'on lui transmettait à l'époque, c'est-à-dire la transmission de la voie du guerrier dont la mise en pratique quotidienne doit permettre de stopper-le-monde. Autrement dit, d'expérimenter "certains états de conscience au cours desquels la réalité de la vie quotidienne est modifiée, cela parce que le flot des interprétations, d'ordinaire continuel, est interrompu par un ensemble de circonstances étrangères à ce flot."

Il s'agit là du cœur de l'enseignement mais aussi de la partie moins attrayante peut-être de l'initiation, car elle implique une modification profonde de nos comportements et elle sous-tend d'abandonner une partie de nous-même à laquelle nous tenons beaucoup... Notre importance et notre histoire personnelles, nos habitudes, etc. Notre zone de confort finalement, sans laquelle nous pensons ne plus "être nous-mêmes". Il s'agit toujours d'appréhender un autre système de cognition, mais de manière bien plus graduelle (et aussi pérenne...) qu'à l'aide de psychotropes. Le voyage à Ixtlan se termine en 1971 lorsque CC, après une dizaine d'années de pratique, arrive à stopper-le-monde par lui-même.

Au-delà de cette modification du comportement, il y a aussi l'idée de percevoir l'extraordinaire dans l'ordinaire, de faire face à notre quotidien plutôt que de s'en échapper -et pour cela l'homme moderne a développé bien d'autres méthodes que la prise de psychotropes...- car, comme le disait don Juan :

"Un guerrier doit aimer ce monde, afin que celui-ci, en apparence si prévisible, puisse s'ouvrir et révéler toutes ses merveilles. Nous nous trouvions dans le désert de Sonora lorsqu'il me fit cette déclaration. Quelle sensation prodigieuse, me dit-il alors, de se trouver dans ce magnifique désert, de contempler les pics irréguliers de ces roches montagneuses nées des flots de lave de volcans disparus depuis si longtemps. Quelle sensation magnifique de voir ces pépites d'obsidienne formées à des températures si élevées qu'elles portent encore la marque de leur origine. Elles sont chargées de puissance. Errer sans but parmi ces montagnes et trouver un morceau de quartz, capable de capter les ondes radio est quelque chose d'extraordinaire."


Quelques mois plus tard, à l'automne, il entame la dernière partie de son initiation, pendant laquelle lui est donné le fondement du paradigme : la paire complémentaire Tonal/Nagual, et la stratégie du sorcier (Histoires de pouvoir). Puis en 1973, don Juan et son Clan ascensionne tandis que CC sombre dans la "dépression du guerrier". Il ne s'obstine pas cependant, et prend le parti de poursuivre son initiation dont sa rencontre avec don Juan ne signait que le commencement... Il écrira en 1998 dans La roue du temps : "J'ai consacré trente-cinq années de ma vie à vouloir m'accomplir comme guerrier."

Certains considèrent que ces quatre premiers ouvrages se suffisent à eux-mêmes et "qu'il aurait pu s'arrêter là". Ce n'est pourtant pas ce qu'il fit et les quatre livres suivants forment avec les autres ce qu'on pourrait appeler son octalogie. Le second anneau de pouvoir raconte son interaction avec la nouvelle génération de guerriers que le Clan du nagual Juan Matus avait préparé et dont CC devait être le prochain nagual. Il était composé de doña Soledad, des petites sœurs et des Genaros. Nous apprendrons dans Rencontre avec le nagual d'Armando Torres, que CC n'était cependant pas destiné à poursuivre de cette manière-là la lignée millénaire à laquelle il appartenait désormais. Il en était le 53ème nagual et en tant que tel, devait "fermer la lignée". Juan Matus, en tant que 52ème nagual, avait lui pour tâche de synthétiser l'ensemble des connaissances acquises par la lignée. Cela expliquant peut-être toute l'œuvre de Castaneda, notamment la mise à disposition publique de cette synthèse réalisée par don Juan, alors que ces lignées restent à l'ordinaire très discrètes... CC devient ainsi un "essaimeur de nouvelles lignées" et ouvre la possibilité à toute personne sincère de tracer un nouveau sillon...

Il s'entoure alors d'un groupe réduit de trois sorcières ayant été également initiées par le Clan : la femme-nagual (Carol Tiggs), une rêveuse (Florinda Donner-Grau) et une traqueuse (Taïsha Abelar). Ces deux dernières écrivent chacune un livre (Le passage des sorciers et Les portes du rêve), dont la lecture ne manque pas d'intérêt... Ils seront tous les quatre sous la tutelle de Florinda Matus qui n'était pas partie avec le Clan lors de son ascension de groupe.


Les trois ouvrages suivant de l'octalogie sont un retour sur son interaction avec le Clan du Nagual avant son départ, alors qu'il était le plus souvent en état de conscience modifiée. Il mit donc du temps à rassembler ces souvenirs, du fait de la nature de la mémoire et de son association avec la position du point d'assemblage de la conscience. Ce dernier concept étant sûrement, avec la voie du guerrier, la pierre angulaire de la tradition transmise par le Clan. C'est grâce à Florinda Matus dira-t-il plus tard, et à la récapitulation qu'elle lui fit pratiquer intensivement qu'il put ainsi se remémorer des tronçons entiers d'expériences partagés avec don Juan, de même que certains points fondamentaux du paradigme, qui à l'époque lui avaient complètement échappé.

Dans Le don de l'Aigle, don Juan lui raconte l'histoire de la lignée et lui donne la Règle du nagual à 4 points ; dans Le feu du dedans, il explicite la nature de la perception et donne les bases de l'Art de traquer ;  La force du silence passe en revue les différents concepts et les techniques des anciens voyants, envisagés sur un plan purement abstrait. 

Les trois derniers ouvrages de CC sont La Roue du Temps (une synthèse des principaux points du paradigme, livre par livre ; il y raconte aussi en temps réel ce qui se passe lors de la rédaction de chacun des livres) ; L'art de rêver qui regroupe l'enseignement donné sur cet Art à travers les précédents ouvrages, et le complète ; enfin, Le voyage définitif (the Active Side of Infinity) est un travail que lui avait demandé de réaliser don Juan, sous forme de testament ; il y compile les "moments-clé" de sa vie. 

Notons pour être complet son douzième ouvrage : Les passes magiques, écrit lors de sa phase publique entre 1994 et 1998, où il créa également l'entreprise Cleargreen, organisme chargé de transmettre la Tenségrité. Mais l'aspect mercantile de cette entreprise pose question. Et passons enfin sur toutes les polémiques concernant l'ensemble de son œuvre, dont les auteurs n'ont apparemment pas perçu qu'elle a été écrite "de la main gauche" d'une part, et qu'il s'agit de la vérifier par soi-même, concrètement, pour se forger sa propre conviction d'autre part.

Carlos Castaneda décède le 27 avril 1998, d'un cancer du foie. Armando Torres transmet son testament, avec notamment la Règle du nagual à 3 points, dix ans plus tard en 2008.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire