"Para mi solo recorrer los caminos que tienen corazaon, cualquier camino que tenga corazon. Por ahi yo recorro, y la unica que vale es atravesar todo su largo. Y por ahi yo recorro mirando, mirando, sin aliento."

Le voyage à Ixtlan

Comme nous l'évoquions dans notre introduction, Le voyage à Ixtlan est un retour sur ce que C. Castaneda avait laissé de côté dans la rédaction de ses deux premiers ouvrages, car pensant ne pas faire partie de l'initiation qu'il recevait (en lien avec les plantes de pouvoir). Dans son avant-propos, il reconnaît cependant son erreur tandis que dans La roue du temps, don Juan explicite le piège qu'il lui avait tendu.

Les "leçons de don Juan" constitue en réalité le cœur de son enseignement car elles permettent à l'aspirant de redéployer son tonal (sa personnalité), dans l'objectif d'épargner son pouvoir personnel (sa vitalité). Or, comme il le répètera à de nombreuses reprises, l'accumulation de ce pouvoir personnel est le seul préalable à stopper-le-monde et à voir

- Les gens ne se rendent pas compte qu’ils peuvent abandonner n’importe quoi dans leur vie, simplement comme ça, dit-il en claquant des doigts.

Ainsi commence Le voyage à Ixtlan et cette seule assertion est d'une puissance phénoménale à qui la saisit au vol. Dans le paradigme ordinaire, nous entendons souvent ce malheureux axiome qui enchaîne tout un chacun à sa personnalité : "on est qui on est et on ne peut rien y changer". Comme il ne cessera de le faire, don Juan propose pour sa part un axiome alternatif, qui avec tous les autres qu'il proposera, permet d'appréhender un autre système de cognition.

Il s'agit cependant de s'entendre sur le changement en question. Comme il le dira plus tard, bien que certains comportement peuvent effectivement être définitivement abandonnés (il donne l'exemple du tabac ou de l'alcool), d'autres traits de notre personnalité sont trop profondément inscrits en nous depuis notre enfance pour l'être totalement. C'est là qu'intervient le concept de "redéployer son tonal".

Cela consiste à mettre à l'arrière-plan certains de nos comportement subconscients, tandis qu'on met au premier plan des comportements librement choisis. Des comportements qui constituent la voie du guerrier dans le cadre de cette tradition. Il s'agit donc bien d'un "redéploiement" plutôt que d'une éradication totale qui, non seulement semble illusoire mais qui de plus, peut avoir l'effet perfide d'enterrer des comportements qui ressurgiront avec d'autant plus de force qu'ils ont été enfouis profondément. A un moment, le ravalement de façade craque... et cela peut en plus avoir tendance à décourager l'aspirant sincère.

La difficulté réside également dans le fait que l'ensemble de notre pouvoir personnel est utilisé pour maintenir notre description du monde, il ne nous en reste pas pour nous trans-former. Pourtant, il faut au début réaliser l'acte paradoxal de regagner du pouvoir à l'aide de pouvoir que nous n'avons pas. Une fois la "machine lancée", ce problème ne se pose plus.

L'idée de don Juan est de réorienter l'utilisation de son énergie car "tout ce qu'un homme fait et ne fait pas, peut ou ne peut pas, et tout ce qui lui arrive, dépend de l'utilisation de son énergie". De plus, c'est le surplus d'énergie ainsi obtenu qui permet à l'Homme d'accéder à la description du monde tel que les sorciers la conçoive.

Pratique

Pour pouvoir épargner notre énergie, il faut d'abord savoir comment nous la gaspillons le plus souvent, afin d'élaborer une stratégie appropriée. La première technique sur laquelle reposent toutes les autres est donc : l'inventaire de l'utilisation de son énergie.

Il s'agit de dresser une liste, en nous demandant quelles sont les activités qui nous font dépenser de l'énergie. Elles recouvrent le plus souvent toutes celles auxquelles nous pouvons nous livrer, pour nous-mêmes et dans le monde. L'inventaire est en fait la liste de toutes nos activités.

Il s'agit d'un exercice de guet (art de traquer), fondé sur l'observation. Il s'agit d'observer l'automate que nous sommes agir, à longueur de journée. Tant du point de vue de nos actions, que de nos paroles, pensées, manières de réagir, etc. Quel est le contenu le plus récurrent de mes pensées ? Quelle est la nature de mes activités et comment me font-elles me sentir ? Quel est le lien entre mes pensées et mes actions ?

A partir des données obtenues, dresser la liste la plus détaillée des activités extérieures (actions, routines, gestes répétitifs, dépendances, etc.) et intérieures (pensées insistantes, émotions répétitives, maladies, états d'âme, etc.) qui composent notre vie.
Cette liste est notre inventaire d'utilisation de l'énergie.

Puis :

- Répartir les éléments de la liste en deux colonnes :
1) Ce qui est indispensable à ma survie ;
2) Ce qui n'est pas indispensable à ma survie.

- Répartir les éléments de la deuxième colonne en deux nouvelles colonnes :
1) Ce qui, me semble-t-il, me fait du bien et ce que je devrais continuer de faire ;
2) Ce qui, me semble-t-il, me fait du mal, et je devrais cesser de faire.

- Répartir une nouvelle fois les éléments de la deuxième colonne en deux nouvelles colonnes :
1) Ce que je ne suis pas en mesure d'arrêter ;
2) Ce que, sans difficulté, ou en faisant un effort à ma portée, je peux arrêter.

- Choisir, dans la seconde colonne de l'étape J) les éléments classés dans la colonne 2 et arrêter effectivement pour une période que l'on déterminera à son gré les activités ou pensées correspondantes. L'énergie ainsi libérée se transformera aussitôt en énergie disponible. A la fin de la période déterminée, décider si l'on prolonge ou non cette période, pour un temps ou indéfiniment.

Commentaires sur cette technique :

- Cette période d'observation produit une attention plus aiguisée, appartenant à ce qu'on appelle "la conscience accrue", et qui peut avoir plusieurs niveaux de profondeur ; nous ne devons pas en avoir peur, car elle est des plus utiles.
- Ne pas perdre de vue que l'observation conduit à un registre des faits, non pas à leur analyse, et doit être réalisée de la manière la plus objective et la plus sincère.
- La plupart des individus ont des pensées, des gestes répétitifs autour de laquelle leur vie s'articule, et dont le changement implique un bouleversement complet de leur façon d'être.
- Les critères permettant de définir ce qui nous est indispensable et ce qui nous est favorable sont discutables ; il est cependant recommandé de se fonder sur ses critères personnels, sans trop s'inquiéter.
- En ce qui concerne les activités à arrêter pour épargner de l'énergie, on peut commencer par le plus facile, ou par celles qui dissipent le plus d'énergie. Tout dépend de l'investissement et des dispositions de chacun.

Il est important que les périodes de suspension des activités dissipant beaucoup d'énergie soient arrêtées avec précision, et mieux vaut, pour commencer, qu'elles ne soient pas trop longues ; il est en effet plus difficile d'arrêter de faire quelque chose pour toujours que pour quelques jours, et les périodes courtes ont l'avantage de nous permettre d'évaluer plus souvent nos résultats et de prendre en connaissance de cause la décision d'arrêter ou de poursuivre notre effort.

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