"Para mi solo recorrer los caminos que tienen corazaon, cualquier camino que tenga corazon. Por ahi yo recorro, y la unica que vale es atravesar todo su largo. Y por ahi yo recorro mirando, mirando, sin aliento."

Perdre sa propre-importance


Le voyage à Ixtlan
donne des techniques permettant d'épargner son pouvoir personnel. Selon cette tradition, le sentiment de notre propre-importance constitue notre plus grosse fuite d'énergie.

"Si vous n'êtes pas d'humeur sociale, il serait sans doute préférable que je m'en aille sur le champ.
- Tu es très violent, commenta-t-il d'un ton banal. Tu te prends trop au sérieux.

Je me levai et déclarai que je voulais rentrer chez lui, puis me rendre à Los Angeles.
- Assieds-toi, m'ordonna-t-il. Tu t'énerves comme une vieille demoiselle. Tu ne peux pas partir maintenant parce que nous n'en avons pas fini.
Je le haïssais. Il n'était qu'un Indien gonflé de mépris. Il entonna une chanson populaire mexicaine idiote. Il imitait un chanteur à la mode, mais il faisait traîner certaines syllabes, en contractait d'autres, et ainsi transformait la chanson en une parodie extrêmement burlesque. Je me mis à rire.
- Vois-tu, tu ris de cette stupide chanson, mais le chanteur qui l'interprète et ceux qui payent pour l'écouter ne rient pas le moins du monde, ils pensent que c'est vraiment sérieux. Tu es comme le chanteur et ses admirateurs, pétri d'amour-propre et mortellement sérieux pour une absurdité dont aucun individu de bon sens ne se soucierait si peu que ce soit.

Tu te prends trop au sérieux, reprit-il lentement. tu es sacrément trop important, au moins d'après l'idée que tu te fais de toi-même. C'est ça qui doit changer ! Tu es tellement important que tu peux te permettre de partir lorsque les choses ne vont pas à ta guise. Tu es tellement important que tu crois normal d'être contrarié par tout. Peut-être crois-tu que c'est le signe d'une forte personnalité. C'est absurde ! Tu es faible, tu es vaniteux.

La propre importance est aussi une chose à laisser tomber, tout comme la propre-histoire.

- Aussi longtemps que tu croiras que tu es la plus importante des choses de ce monde, tu ne pourras pas réellement apprécier le monde qui t'entoure. Tu seras comme un cheval avec des œillères, tu ne verras que toi séparé de tout le reste.

Je vais parler à ma petite amie, dit-il en désignant une petite plante.
Il s'agenouilla devant la plante et tout en la caressant lui parla. Au début je ne compris pas ce qu'il lui disait, mais il poursuivit en espagnol. Pendant un certain temps il balbutia des inepties, puis il se leva.
- Ce que tu lui racontes importe peu. Tu peux tout aussi bien fabriquer des mots. Ce qui est important est la sensation d'amour que tu lui portes, tu dois la traiter d'égal à égal.
- Vas-y, parle à la petite plante, me pressa-t-il. Dis-lui que tu ne te sens plus important du tout.
Je m'agenouillais devant la plante, mais je ne parvins pas à sortir un seul mot. Je me sentais ridicule et le rire me gagna.
Don Juan me tapota le dos et me dit que tout allait bien.
- Parle de temps à autre aux plantes, continua-t-il. Parle-leur jusqu'à ce que tu perdes toute sensation d'importance. Parle-leur jusqu'à ce que tu arrives à le faire en présence d'autres hommes."


Perdre sa propre-importance est un impératif lorsqu'on redéploie son tonal, c'est-à-dire lorsqu'on redéploie l'utilisation que l'on fait de son énergie. Don Juan l'exprime en ces termes :

"...dans les inventaires stratégiques des guerriers, l'importance personnelle figure comme l'activité qui consume le plus d'énergie et c'est pourquoi ils s'efforcent de l'éradiquer..."

En fait, l'importance personnelle ne peut être réduite à la simple vanité ou à l'égocentrisme ; elle serait plutôt un pli donné à la perception, une position spécifique du point d'assemblage, impliquant une véritable débauche d'énergie. S'en suit une sensation bien reconnaissable pour soi et autrui, de lourdeur.

L'importance personnelle nous apprend à percevoir le monde sous un angle tel qu'il nous faut sans cesse défendre notre moi. Elle nous tient enchaîné à notre image, qui n'est autre que la description de l'ego, et elle nous force à aller chercher auprès des autres la confirmation de cette image.

Elle nous attache d'une manière obsessionnelle aux exigences du moi, au point que nous considérons comme sans importance et dépourvu de sens tout ce qui, autour de nous, ne répond pas à ces exigences.
C'est elle qui nous épuise, parce que c'est par elle que se dissipe notre énergie. C'est elle qui nous pousse à croire que nos problèmes, nos réussites, sont de première importance, qu'ils sont au cœur de l'univers. L'importance personnelle est le trône, le symbole du pouvoir sur lesquels s'érige le petit dictateur qui est en nous tous : le moi. C'est à cause d'elle que ce dictateur s'est emparé de tout notre être, au point de nous persuader que nous ne sommes et ne pouvons être autre chose que lui, l'ego.

Les émotions dissipatrices et toutes les habitudes débilitantes, comme l'apitoiement sur soi, la jalousie, l'envie, la rancœur, la dépression, etc. n'existent que par l'importance que nous nous attribuons. C'est pour toutes ces raisons que la lutte contre l'importance personnelle est la plus importante que le guerrier ait à livrer, et que la victoire qu'il remporte sur elle est essentielle. Presque toutes les techniques que don Juan enseigne à son apprenti, visent à réduire puis à éradiquer l'importance personnelle.

Cet impératif se retrouve d'ailleurs dans toutes les voies initiatiques... Dans chacune d'elle, l'être s'engage sur un sentier le menant à l'impersonnalité. Encore qu'il faille s'entendre sur ce qu'est l'impersonnalité ; en aucun cas il s'agirait de ne plus avoir de personnalité ou encore de devenir une sorte d'être-robot. En fait c'est tout le contraire dont il s'agit... Tant qu'un travail n'est pas réalisé sur nos multiples conditionnements dans le but de s'en libérer, nous n'exprimons pas notre véritable personnalité, malgré parfois les apparences.
C'est d'ailleurs ce qui rebute bien des aspirants à la Voie, car si beaucoup sont enthousiastes à l'idée de développer quelques pouvoirs psychiques ou encore de rejoindre un quelconque Eden, peu prennent conscience que cela sous-entend le sacrifice de leur Personne.

Enfin, si jamais une première partie de ce travail peut être réalisée par soi-même quant à la perte de sa propre-importance, il arrive un moment où l'intégration dans un groupe de guerriers spirituels est nécessaire pour "terminer le travail". Car cette tendance de l'être est très enracinée et ses manières d'agir parfois très subtiles. Seuls des aînés sur la Voie, étant eux-mêmes passés par ce même Sentier et ayant atteint pour eux-mêmes assez d'implacabilité, peuvent nous aider alors à débusquer cette importance personnelle en nous. Ce qui ne se fait pas sans étincelles... les retours d'expériences de Castaneda avec don Juan ou les autres membres du Clan le montrent bien !

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